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Zanmi Lwen
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1 juillet 2010

LA CHANSON DE MANNO

C'est une chanson qui parle d'amitié, mettant en scène 4 entités:
* Le principal intéressé
* Ses interlocuteurs, "Zanmi pré" (amis proches physiquement parlant)
* Ses futurs hôtes, "Zanmi lwen" (amis lointains)
* Les autres, "Yo"

L'intéressé annonce qu'il s'en va chez les amis loin en précisant qu'il ne s'agit pas d'une visite de courtoisie mais surtout d'une quête. Comme souvent, il n'y a aucun but financier ni même espoir de changer soudainement sa situation personnelle. Quand on comprend ces quelques phrases très dures chantées par cet artiste fortement populaire, on pourrait les interpréter tel un ultime adieu à une famille, un village, voire un pays où est cultivé sans cesse l'art de la médiocrité. Un douloureux adieu au cœur lourd, sur fond de colère voilée de rancœur.
Est-ce vraiment le cas ?

Le texte nous place dans une réelle situation d'ambiguïté.
Il est précisé que les racontars décrivent les amis lointains comme des pingres, mais il est moins sûr que ce sont leurs même auteurs qui définissent les amis proches comme étant des couteaux à double tranchants. Il s'agit peut être simplement du sentiment de l'auteur, qui justement y justifie ce besoin d'aller voir ailleurs.
Nous avons une deuxième difficulté quant à la vision physique de la scène. En effet, le créole haïtien dans sa conjugaison du futur, ne permet pas de savoir si le départ est en cous, s'il est imminent ou juste programmé. Dans les trois cas, le "M pral" demeure identique.
Cette difficulté nous empêche de savoir quelle marge de manœuvre possède ce "zanmi pre" dont on ne connait réellement pas le sentiment.

A voir de plus près, contrairement à "zanmi lwen" qui est juste cité, "Zanmi pre" ne représente même plus un ensemble, mais un proche. Un confident qu'à tout moment on aurait aimé avoir à ses côtés. A ce moment, vous aurez envie de me demander pourquoi il ne lui propose pas de l'accompagner sur ce chemin. Selon moi, il n'en a tout simplement pas la possibilité. Il s'agit d'un tirage au sort souvent truqué dont les heureux gagnants sont tous pressés de dire adieu.
Du début à la fin du texte, nous entendons toute une litanie de difficultés, d'impasses et de fatalité qui incontestablement conduirait tout être humain à se frayer un chemin pour trouver une issue de secours, aussi étroite et obscure soit-elle, quitte à laisser famille et patrie derrière. Dans ce besoin d'exode, remarquant qu'autour, l'un ne peut sauver l'autre dans cet univers d'ignorance et de médiocrité, l'entourage proche devient automatiquement coupable. Sans avoir été jugé, il est condamné pour ses actions et son immobilisme, sa passivité et méfaits, ses médisances et ses silences. Coupable!
Dans ce champ de vision, plus de doute, si la métaphore accordée à zanmi pre n'est pas celle de l'auteur il en partage totalement les idées.

Zanmi lwen, quant à lui, son rôle c'est d'accueillir. Nous ne savons pas dans quelles conditions ni à quelles conditions, mais il est là pour ça. Tout en sachant qu'il cache bien son argent.
Malgré tout, ce départ annoncé l'est sans aucune hésitation. Ce qui confirme que ce déplacement ne se fait pas surtout dans un objectif financier, mais pour des raisons bien plus profondes.
Alors on pourrait parler d'exil, de fuite, mais c'est à la seule condition que ce départ soit définitif ou presque.
Est-ce vraiment le cas ?

Sauf traumatisme ou sa menace réelle, il est difficile d'envisager aisément l'abandon de ses racines et de ses proches pour une destination pas ou peu connue, une terre où se trouve des amis ou amis d'amis dont on n'a que des souvenirs, qui eux-mêmes sont altérés par le temps et ses expériences personnelles.
Et même dans ce cas, si on est content de réaliser ce rêve ultime que représente ce départ, le futur représente une nouvelle naissance où le choc des cultures et la perte totale des repères nous place dans la position d'un vulnérable nouveau né.

Actuellement, le mouvement est en route, et irréversible. Plus on s'éloigne de Zanmipre, plus on s'en approche, et plus on espère que Zanmi lwen est toujours Zanmi.
Les difficultés réelles vécues deviennent peu à peu des souvenirs, et la vision conservée de Zanmipre change peu à peu d'aspect. Je ne fais plus du tout partie de ceux qui pensent que Zanmipre est un dangereux personnage, car je m'en vais partager une proximité avec un autre dont j'ignore tout, et qui par conséquent deviendra à son tour un couteau à double tranchants en plus de ses défauts méconnus.

Je ne suis pas au bout de mon chemin que je pense déjà au retour au point initial. c'est l'essence même d'une quête. L'objectif principal de celle-ci, c'est moins de trouver mon équilibre que de me trouver moi-même.
La dernière phrase de la chanson de Manno, c'est "montre que c'est faux!"
Cette petite phrase va balayer tout le pessimisme et toute la fatalité rencontrés plus haut.
Que ce départ soir réalisé, proche ou imminent, l'ami proche reste et demeure un ami. Cette demande ne peut être considérée comme un acte de foi dans la mesure où il ne dit pas "montre-leur..."
Tout de même, s'agissant d'une demande sans condition, le départ aussi est sans condition.
Tout ce qui est réversible, c'est le regard d'autrui, les dires des "Yo"

HT de Rodaille

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